Dumitra Baron, Pour la beauté du monde invisible

Harmonie

Et quand la lumière tomba sur le champ de jasmin
L’abîme de ton visage m’apparut soudain
Proche de mon corps, de mes mains, de mon âme…
J’attendais le frisson de la rencontre de nos couleurs,
Ton gris et mon jaune brillant
Se superposant au vert de notre lit
Et au parfum de nos souffles embrassés
Jusqu’au bout de l’arc-en-ciel.

Combustion

les cendres brillent sous le soleil
le sable noir cache des oiseaux
quelques coquilles attendent les vagues
la mer a oublié de rencontrer la plage

s'il existait un cimetière marin
il aurait la forme de celui que je traverse
la nuit en quête d'une goutte de lumière
qui engloutit les traces de mes pas

captif dans le désert des roches en flammes
je laisserai ma voix s'unir avec leur braise
quitter cette mortalité terrestre et
respirer l'air doux des lointains

Bâtir sa maison


la maison où je voudrais habiter
se trouve dans une étoile
dessinée dans les livres pour enfants
monde livresque pourtant si habitable...

le seul moyen pour y accéder c'est la lecture
à haute voix parce que les mots peuvent toujours
transformer l'impossible en possible
il suffit de dire "porte" et tout commence à se contourner
objets, amis, voisins et mêmes des animaux

Instants

Il y a des instants où la beauté de tes mains
Creuse les yeux des passants curieux
Elle grandit et soulève le voile de notre amour
En se cachant derrière les paupières de la passion
Elle scinde l’espace interdit aux amateurs
Et impose sa volonté de tout encombrer.

La phrase que tu dessines sur mon corps
Me fait rêver à la découverte du nouveau monde
Tes mains caressent la statue de mon squelette
Et y écrivent un mot d’adieu…

Silence

Je t’appelle du fond de mon tombeau,
Encore vivante, je creuse la terre
pour y laisser mes souvenirs,
Pour échapper à la solitude de la terre…

Une poupée, un sourire, nos corps entrelacés,
Tout ce qui ressemble à nos caresses,
Mes cris et ton silence de cette dernière nuit








Orange

On se donnait rendez-vous
Chaque jour à travers les sons
Qu’on envoyait en tapant des chiffres
Sur un écran rigide qui nous semblait
Le visage de l’autre caressé sans cesse
Lors de toutes nos rencontres muettes.

On savait bien que l’autre allait répondre
Mais puisqu’on oubliait les mots, on se taisait
Et on lançait des lettres de cette voix inaudible
Qui parcouraient des territoires si vastes,
Des champs fleuris et des cercueils en bois
Où d’autres amoureux savouraient des oranges
En attendant l’appel final.

(Dé)composition beckettienne

c'est le poème de toutes les fleurs fânées
de toutes les feuilles tombées à l'aube du jour
après des nuits imaginaires d'amour, de passion
sous les rayons d'une lune distante et bizarre

elle s'allongeait souvent auprès du lac si triste
et attendait les bras du faune qui tardait
quelques étoiles lui caressaient les temples
la confortant à peine dans sa solitude terrestre

tout était calme comme dans les contes
les éléments cachaient leur amertume
la mort envahissait le corps des plantes
et déployait sa mante meurtrière

les mots se transformaient en gouttes de silence
et lentement la vie en textes pour rien
la bouche restait ouverte, menancante
pour en finir encore avec tous ces beaux jours!

Fragments de rêve

il me faudrait un stylo noir pour décrire nos tristesses,
un crayon rouge pour esquisser nos passions
une gomme pour rayer les disputes fatiguantes
une plume pour envoler nos amours au ciel

il me faudrait une feuille blanche où coucher tous mes rêves
un calepin pour bercer mes silences et mes haines
un petit tiroir où garder mes souvenirs
et la clé qui ouvre la porte de la sérénité

Statues

C’est dans la pierre que le visage
véritable de l’amour est gravé
Comme sur les inscriptions des sarcophages éclairés
A peine reconnaissables par les pélerins pressés
Mais les aidant à survivre dans ces grottes temporaires
Si proches de la parole murmurée.

Désir

Chercher le sourire à travers le battement d’ailes
Chercher à te raconter la beauté de la mer
Chercher à graver dans le sable le vol des pigeons
Chercher la mort parmi les rochers de Monaco
Chercher l’inconnu des sons dans les vagues
« Chercher l’être avec les mots » disait quelqu’un près de Dieppe
Chercher à me perdre dans la lumière du ciel.

Statistici


(c) Ovidiu Baron & friends
 2008-2009